La caresse des plumes

Le monde a peur. Les gens ne savent pas de quoi demain sera fait. C’est inquiétant d’avancer à l’aveugle, sans savoir où nous allons. Celui qui, jusqu’à aujourd’hui, avait la chance de connaître son avenir doit être bien déboussolé.

Chaque matin, doucement, le brouillard se lève. Il caresse la montagne. La forêt se laisse embrasser et les feuilles frissonnent au passage de cette brume épaisse. Jusqu’au sommet, le massif se pare d’une étoffe de fantôme. C’est à ça que ressemble le monde. Chaque jour, il s’agit de pénétrer cette étrange opacité et de naviguer sans boussole entre les sapins et les épicéas. Il devient vital de suivre l’inspiration de cet horizon imperceptible tout en devinant le souffle insidieux des falaises et du vide. Faisant parfois fit du danger, virevoltant sur les crêtes tel un funambule entre les plumes, chacun de nos pas est un saut vers l’inconnu et l’inattendu. D’une seconde à l’autre, tout peut changer. Les minutes se jouent de nous et les heures nous aspirent. Nous nous réveillons le matin dans la chaleur et la douceur. Les yeux plongés dans ses pupilles dont la lueur fleurie. Nous nous couchons le soir même, seul, dans un sac mortifère, le visage appuyé sur un délicat coussin de pétales dorés. Nous fermons nos paupières en espérant qu’au réveil le sentier emprunté soit plus clément. Quel a était l’instant décisif ? Le moment exact où notre bonheur s’est jouée s’est montré discret. Dans les ombres, entre la bruine et les branchages, au travers de cette épaisse fumée qui recouvre le bois, comment pouvons-nous savoir où nous mène notre chemin ? La destination n’existe pas. Il s’agira simplement de s’asseoir, seul, au pied du plus bel arbre qui soit, et las, nous attendrons la nuit.

David Planchenault